19 décembre 2018
Pensions de réversion : des droits trop généreux ?
Un récent rapport de l’OCDE préconise de diminuer les pensions de réversion qui pèsent sur les personnes célibataires et les couples bi-actifs. Les pensions de réversion, dont l’importance est méconnue, correspondent à la pension dont bénéficiait, ou aurait pu bénéficier, l’assuré décédé et qui est versée à l’époux (ou ex-époux) ou aux orphelins (si la personne était fonctionnaire). Apparue à l’origine au XIXème siècle pour protéger de la pauvreté les veuves de fonctionnaires qui n’avaient aucun revenu au décès de leur mari, cette pension a perduré dans le temps.
Les pensions de réversion en France
Considéré comme un droit dérivé, par rapport à la pension de retraite qui est un droit direct, la pension de réversion est méconnue, alors même qu’elle représentait 36 milliards d’euros en 2016 (contre 272 millions d’euros pour les pensions de retraite) selon le rapport “Les retraités et les retraites” (2018) de la Drees. La pension de réversion est perçue par 4,4 millions de personnes, dont un million qui ne touche que cette pension parce qu’ils ont soit liquidé leurs droits, soit qu’ils n’ont pas travaillé un nombre d’années assez conséquent (en France) pour toucher une retraite.
Plusieurs conditions existent pour avoir le droit de bénéficier de cette pension :
- une condition d’âge : fixée à 55 ans dans les régimes de base et complémentaires des salariés et des indépendants, elle diffère dans les autres régimes. L’âge minimum passe à 50 ans pour l’Ircantec et pour le régime complémentaire des avocats, et 60 ans dans les professions libérales. Les trois régimes de la fonction publique et celui des avocats n’ont aucune condition d’âge, mais imposent d’être mariés au minimum depuis quatre ans pour en bénéficier ;
- une condition de ressources : le conjoint survivant ne peut en bénéficier que s’il bénéficie de revenus inférieurs à 20 550,40 euros brut par an (ou 32 880,64 euros s’il est en couple). Une exception est faite pour les régimes complémentaires, qui n’ont pas de limite de revenus (excepté celui des indépendants artisans et commerçants qui est fixé à 79 464 euros) ;
- la pension est réservée aux couples mariés ;
- Il existe une condition de non-remariage (la personne veuve perd le droit à la pension si elle se remarie) ;
- le montant est de 50 % celui qu’aurait touché le défunt pour les régimes publics et l’Ircantec, 54 % pour les régimes de base du privé et 60 % pour les régimes complémentaires.
Le nombre de bénéficiaires s’est accru de 6,4 % de 2006 à 2016. Les bénéficiaires ont majoritairement (87 %) plus de 65 ans, ce qui s’explique par la hausse de la longévité au sein de notre société.
La pension de réversion représentait 9 % des pensions totales versées en 2012. Le montant mensuel moyen du droit direct était de 1 195 euros, contre 158 euros pour le droit dérivé. Ces montants ont augmenté de 1,5 % en 2016 (contre 1,8 % en 2015), augmentation due à la hausse du droit direct.
L’un des apports des pensions de réversion en France a été la réduction des inégalités femmes / hommes. En effet, 89 % des bénéficiaires sont des femmes. Ce pourcentage très élevé s’explique pour trois raisons : les femmes bénéficient d’une meilleure longévité que les hommes, elles sont en moyenne trois ans plus jeune que leur mari, et ont généralement une retraite moins élevée. En moyenne, la pension directe d’une femme était inférieure de 39 % à celle des hommes en 2016. La tendance s’améliore toutefois, la différence était de 46 % en 2004. Cette inégalité est largement réduite par la pension de réversion, passant de 39 % à 24,9 %.
Qu’en est-il dans les pays de l’OCDE ?
Dans son récent rapport, l’OCDE préconise de diminuer ces droits qu’elle juge trop généreux, pesant sur les personnes célibataires et couples bi-actifs qui cotisent alors qu’une majorité n’en bénéficiera pas, et préconise de ré-internaliser ces coûts au sein des couples mariés. Les réversions assurent en moyenne un taux de remplacement de 50 % de la pension de la personne décédée pour la personne veuve.
L’importance de cette pension varie énormément entre les différents pays de l’OCDE. Elle y représente en moyenne 1 % du PIB. Des pays comme la Grèce, l’Italie ou l’Espagne sont à 2,3 % du PIB environ, alors que d’autres comme le Royaume-Uni, le Canada ou la Corée du Sud sont à moins de 0,5 % du PIB. La France se situe entre 1,5 % et 2 % du PIB. Bien que souvent publique, cette pension est parfois privée avec un aspect obligatoire comme au Danemark, au Pays-Bas et en Suisse.
Les bénéficiaires sont en moyenne dans l’OCDE 85 % des femmes, moyenne se situant un peu en deçà de la France. Pour 100 bénéficiaires d’une pension de retraite, 22 bénéficient d’un complément de réversion, qui représente alors 56 % des revenus disponibles.
Le gouvernement français explore plusieurs pistes aujourd’hui afin de simplifier le système :
- plafonner le bénéfice de la pension en fonction des revenus ;
- définir un âge minimum, par exemple sous condition d’être à la retraite ;
- ou au contraire, la verser sans condition d’âge ;
- supprimer la pension si la personne se remarie ou vit en concubinage (déjà le cas dans plusieurs régimes mais pas ceux du privé) ;
- introduire un système de partage des droits entre époux. Ce système mis en place dans d’autres pays européens permet de partager de manière égale ses droits à la retraite ;
- partager les droits à la retraite dans le cadre d’un divorce : ce système est le même que le précédent, à l’exception que le partage ne se ferait qu’en cas de divorce.
Une consultation publique est actuellement en cours afin de se prononcer sur ces différentes pistes.
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